Si vous n’avez pas la référence musicale, c’est que vous êtes jeune depuis moins longtemps que moi, mais comme je compatis, je vous partage ce morceau d’anthologie. Ne me remerciez pas, c’est de bon cœur.
https://www.youtube.com/watch?v=ydrtF45-y-g
Ainsi donc, parlons de sexualité.
Le clip de Salt’N Peppa commence par ces mots : « I don’t think we should talk about this » (Je ne crois pas qu’on devrait parler de ça)
Je ne sais pas pour vous, mais moi j’ai grandi avec cette injonction. « On ne parle pas de ces choses là .» Fin de non recevoir.
Lorsque j’étais enfant, puis adolescente, le sexe était un sujet totalement tabou. Les rares fois où j’en entendais parler, c’était par le biais d’une blague grivoise à la radio, en voiture avec mes parents. Mon père riait alors d’un air guilleret, tandis que ma mère lui faisait les gros yeux en jetant un regard entendu vers le siège arrière et son occupante.
Et c’est ainsi que j’ai bâti mes représentations de la sexualité avant même d’en ressentir les premiers émois véritables. Comme l’a dit Catherine Blanc, sexothérapeute et autrice de plusieurs ouvrages sur le sujet, « nous n’arrivons jamais vierges dans la sexualité. Nous sommes porteurs de discours, de préoccupations sociales, mais aussi de mandats familiaux et de croyances sur ce que c’est d’être un homme, une femme, ce que doit être le couple et la vie intime. » (Sexe : se libérer des injonctions ; Psychologies Magazine, article écrit par Cécile Guéret)
Parmi tout ce qui construit notre identité sexuelle, il y a donc le poids de l’héritage familial, culturel, religieux, celui de la société dans laquelle nous vivons, et celui de notre vécu individuel.
S’ajoute à cela que le système éducatif français limite à son strict minimum l’enseignement sur la vie sexuelle. Généralement pour parler de reproduction, de maladies sexuellement transmissibles et de contraception.
OK, ce sont des notions importantes à aborder. Mais soyons honnêtes, quelles questions se pose-t-on quand on est ado ? Oui, on stresse à mort de ne pas être capable d’enfiler un préservatif, c’est vrai. Mais pas que…
L’une des questions récurrentes, tant chez les adolescents que chez les adultes, est celle de la « normalité ». Est-ce que je suis normal.e ?Est-ce que mon corps est normal ? Est-ce que ses réactions, que je peine parfois à contrôler, sont normales ? Est-ce que mes fantasmes sont normaux ? Est-ce que ce que je fais est normal ? Bref, on pourrait dérouler à l’infini.
Pour le psychologue américain Sol Gordon : « Le comportement sexuel normal chez les adultes se définit comme étant volontaire, non exploiteur et consensuel ; en général non seulement il est agréable et dénué de culpabilité, mais il rehausse aussi l’estime de soi ».
Que voilà une bien belle définition !
Le souci, c’est que ce n’est pas si facile de se défaire de la culpabilité, ni de vivre sa sexualité comme un véritable vecteur de croissance personnelle, dans un contexte où les injonctions sont très présentes.
Au delà de tous les tabous qui entourent le sexe, il y a aussi les croyances erronées véhiculées par la pornographie. Alors ok, on peut faire comme si ça n’était qu’anecdotique, soulever un coin du tapis et glisser ça en dessous. Sauf que, dans une société au sein de laquelle l’âge moyen de première exposition à la pornographie s’établit à 11 ans, à mon humble avis, on risque tôt ou tard de se prendre les pieds dans le-dit tapis.
Il s’agit là d’une moyenne, n’allez-pas tout de suite bâtir un abri anti-atomique dans la cave pour y enfermer vos enfants jusqu’à leur majorité. Pour travailler depuis 20 ans avec des pré-ados et des ados, je vous le garantis, dans ce domaine comme dans tant d’autres, diversité fait loi.
Il n’empêche que, bien souvent, nous allons chercher réponses à nos questions à l’extérieur du cercle familial. Il est rare de croiser le chemin de quelqu’un n’ayant jamais vu, volontairement ou non, d’images pornographiques.
Le hic, et il est de taille, c’est que cela arrive souvent bien avant qu’on soit en capacité de prendre le recul nécessaire et de réaliser que ce qu’on voit, c’est du divertissement, de la fiction. L’image qui est renvoyée du corps humain, de la séduction (ou plutôt de son absence), des préliminaires (quand il y en a…), des manifestations de l’excitation et du plaisir, de l’orgasme, est assez catastrophique pour l’estime de soi.
Revenons quelques instants sur la notion de diversité si vous le voulez bien.
Nos corps ne sont pas tous faits de la même manière. Chaque pénis est unique. Chaque vulve aussi. Les lèvres ne sont pas toutes de la même taille, de la même couleur, elles ne sont pas symétriques. Les poils sont naturels. Les différentes parties du corps bougent parfois avec peu de grâce, les ventres ne sont pas tous plats et musclés…
Les positions choisies dans les films pornographiques sont celles qui « passent le mieux » à l’écran. Celles qui permettent des gros plans, qui mettent en avant ce qu’on veut montrer au public. Les scènes sont tournées en plusieurs fois, coupées, montées…On essuie la transpiration, on gomme les bruits, ou on les couvre par des cris qui relèvent parfois du surhumain… C’est de la FICTION !!!!!
Dans la vraie vie, on ne débarque pas dans la cuisine comme ça, pouf, avec une érection magistrale totalement fortuite et inopinée, pour y trouver un.e partenaire fin prêt.e à passer à l’action, capable d’une souplesse digne des plus grands super-héros et d’un appétit insatiable. Si c’était le cas, on arriverait tous avec 2 heures de retard au boulot chaque matin…imaginez le bazar !
Dans la vie, la pénétration n’est pas une nécessité, l’orgasme n’est pas systématique, il n’y a pas d’obligation à compléter un Grand Chelem de positions acrobatiques de haute voltige. Dans la vie, il ne suffit pas de claquer des doigts pour faire monter le désir et l’excitation de son/sa partenaire. Pour de vrai, les choses se font selon un cycle qu’on retrouve chez quasi tous les êtres humains, et dont il faut tenir compte.
William Masters et Virginia Johnson, sexologues américains, ont défini 5 étapes de la réponse sexuelle : l’excitation, le plateau, l’orgasme, la résolution et la période réfractaire.
Quelques explications s’imposent peut-être.
La première phase est celle de l’excitation et du désir. Il faut garder à l’esprit que chacun réagit différemment. Pour certain.e.s d’entre nous, c’est le désir qui va faire monter l’excitation, pour d’autres c’est l’excitation qui engendre le désir.
Attention également à ne pas confondre réactions physiologiques et désir. L’érection, tout comme la lubrification vaginale, peuvent être de simples réactions mécaniques à des stimuli. On entend pourtant très souvent des propos assez confus à ce sujet, notamment des croyances très fortes sur le fait que si une femme produit une lubrification, c’est qu’elle a envie de l’acte sexuel.
Laissez-moi vous donner une analogie qui me semble assez parlante. Si je vous jette une poignée de sable au visage et que vous en avez plein les yeux, que vont faire vos yeux ? Ils vont se mettre à pleurer, pour évacuer le sable et donc vous préserver de l’irritation et de la douleur. Spoiler alert : le vagin peut faire pareil !
Soumis à une pénétration, il va se lubrifier afin de limiter les risques d’irritation. TADA !!! Déso, pas déso, c’est pas parce que c’est mouillé que c’est ok. Merci de noter ça dans un coin de votre tête.
L’orgasme lui-même peut être une réaction purement mécanique, dégonflez vos chevilles, ça va bien se passer.
La seconde phase est celle dite du plateau. L’excitation se maintient à un niveau élevé jusqu’à la troisième phase, l’orgasme.
Je répète tout de même pour les gens au fond…l’orgasme n’est pas systématique. Chez l’homme, éjaculation ne signifie pas nécessairement orgasme, et celui-ci peut être atteint sans qu’il n’y ait éjaculation. L’orgasme n’est pas toujours exprimé bruyamment (là aussi, merci la pornographie). Il peut être d’intensité très variable et être ressenti différemment selon la stimulation qui l’a provoqué.
Vient ensuite la période de résolution, une phase de détente physique et psychique qui peut durer de quelques minutes à quelques heures.
La phase réfractaire est la phase durant laquelle la montée d’une nouvelle excitation est impossible. Elle est plus marquée chez les hommes, beaucoup de femmes ne la connaissent pas.
Ce cycle n’est pas toujours linéaire, et peut être interrompu.
La manière dont nous abordons notre sexualité comporte elle aussi des dimensions différentes. Il y a la dimension physique (place du corps, des sens, du plaisir), la dimension émotionnelle (expression des sentiments, intimité, partage verbal), la dimension intellectuelle (nos pensées, nos connaissances, nos fantasmes, notre imaginaire), la dimension des valeurs (personnelles, culturelles, religieuses), et même une dimension spirituelle (certain.es vivent le sexe comme une communion avec l’autre, mais aussi avec quelque chose de plus grand, qui les transcende).
Ces dimensions se complètent parfois, et d’autres fois elles peuvent entrer en conflit (par exemple quand nos valeurs et nos fantasmes nous semblent incompatibles).
Apprendre à se connaître afin de mieux vivre sa sexualité est bien plus important à mon sens que d’aller chercher à l’extérieur des modèles qui ne nous correspondront pas forcément.
Oui, on en vient au méga tabou en M…Et pourtant, la masturbation, l’exploration de son propre corps, du désir et du plaisir que cette exploration fait naître, ou non, c’est ce qui permet de définir les premiers contours. De savoir ce qui nous plaît, et ce qui ne nous plaît pas, afin de pouvoir plus aisément définir nos limites. Bien entendu, on ne peut pas tout explorer seul, mais quand même, ça aide vachement.
Connaître ses représentations sur le sexe est également très enrichissant. Faites l’expérience de noter sur une feuille tous les mots qui vous viennent à l’esprit lorsque vous pensez au sexe. Ne filtrez pas. Puis relisez-les, et classez-les en plusieurs catégories : ce qui vous plaît, ce qui vous excite, ce qui vous dégoûte, ce qui vous fait peur, ce qui vous émeut. Vous verrez, ce n’est pas si simple que ça en a l’air !
Vous pouvez également faire cet exercice avec votre partenaire puis échanger les feuilles. Cela peut être un bon moyen d’ouvrir le dialogue sur un sujet dont on parle malheureusement trop peu au sein des couples, alors même que c’est l’un des sujets majeurs de tensions.
Le sexe, ce n’est pas toujours une partie de plaisir. De nombreuses difficultés peuvent venir faire obstacle à l’épanouissement sexuel.
Certaines peuvent être d’origine physique : difficultés à avoir ou maintenir une érection, éjaculation prématurée, sécheresse vaginale, dyspareunie (douleurs à la pénétration), vestibulodynie (hypersensibilité douloureuse de la vulve), vaginisme, vulvodynie, baisse de désir liée à un traitement médicamenteux (pilule, anti-dépresseurs, chimiothérapie,etc).
La liste des médicaments ayant un impact sur la libido est très, très longue. De nombreuses molécules agissent sur le fonctionnement hormonal, et donc, sur la sexualité. Des problématiques de santé telles que l’endométriose, qui touche en France une femme sur dix (source : INSERM) peuvent également perturber la vie intime.
D’autres freins seront plus d’ordre psychique. Ils peuvent ou non être en lien avec des problèmes physiologiques. Parmi ces difficultés se trouvent les croyances dont nous avons parlé plus haut, mais aussi les traumatismes. Les victimes d’abus sexuels sont bien plus souvent confrontées à des difficultés dans leur vie sexuelle que les personnes n’ayant pas subi d’abus, certaines se manifestant sous formes de blocages physiques (vestibulodynie, dyspareunie, vulvodynie, vaginisme, hyper-tonicité du périnée, troubles de l’érection, etc) mais pas seulement. Il est également important de préciser que la présence de ces troubles ne signifie pas qu’il y a forcément eu trauma.
Dans tous les cas, la règle d’or reste la communication.
Parlez-en avec votre médecin, votre gynécologue, votre urologue, si vous ressentez des perturbations physiques et/ou des douleurs lors des rapports. Des traitements existent et peuvent vous changer la vie.
Vous pouvez également consulter un.e sexothérapeute, seul.e ou en couple. Bénéficier d’un espace d’échange, de libre parole, de non jugement, peut vous aider à (ré)ouvrir le dialogue avec votre partenaire si vous avez du mal à le faire spontanément. L’hypnose peut être un excellent complément afin de vous aider à vous libérer de blocages inconscients, à vous reconnecter à vos ressentis, etc. Vous pouvez également suivre une thérapie afin de libérer la charge émotionnelle liée aux traumas.
Enfin, si le sujet du sexe n’est pas difficile à aborder pour vous, alors parlez-en ! Échangez avec votre partenaire. Parlez de ce que vous aimez, de ce que vous aimez moins, de ce que vous auriez envie d’explorer. Parlez de vos rythmes à chacun.e (et oui, nous n’avons pas tou.te.s les mêmes envies et besoins, au même moment), de vos difficultés, de vos ressentis. Remettez du jeu dans votre nous. Amusez-vous !
Vous avez déjà entendu « c’est ceux qui en parlent le plus qui en font le moins »? En matière de sexe, c’est surtout ceux qui le font le mieux!
Bien évidemment, nous ne le dirons jamais assez, tout doit se faire avec le consentement explicite de tous les participants. Explicite, ça veut dire demandé et donné de manière claire, dans des conditions qui permettent qu’il soit éclairé (donc qu’on soit en état de consentir, et qu’on sache à quoi on consent). Ce consentement peut être vérifié à tout moment, et il peut être repris à tout moment également.
C’est ce qui vous permettra d’évoluer dans un climat de confiance et de respect mutuels et de découvrir toute la richesse et la puissance de votre sexualité.
Et si vous cherchez une bande son pour vous accompagner, souvenez-vous que les années 80 et 90 ont produit de grand chefs d’œuvre musicaux.