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Photo de Belinda Fewings sur Unsplash

Liberté, égalité, adelphité.

Au risque de sentir se rapprocher la perspective du bûcher, je le redis ici : mes accompagnements sont féministes, et inclusifs.

Je ne peux, ni ne veux, déposer à la porte de mon cabinet mes lunettes de féministe.

Je comprends bien que ça puisse ne pas correspondre à tout le monde, et je n’ai aucun souci avec ça.

En revanche, j’essaye de rester en cohérence avec mes valeurs au quotidien, et je préfère perdre quelques éventuel·les client·es que de me perdre moi-même en tentant de lisser mes propos ou de plaire à tout le monde.

Or, force est de constater que le patriarcat et les inégalités entre les genres se tapissent dans l’ombre de biens des problématiques abordées en séances.

Plus je m’éduque au féminisme, plus j’échange, plus je milite, plus je m’aperçois qu’il m’est impossible de détacher les problématiques individuelles des problématiques systémiques.

Oui, je sais, pour certain·es, « systémique » est un gros mot. Un individu fort agacé par un post sur la dette sexuelle partagé sur l’un de mes réseaux m’a dernièrement dit qu’il ne supportait plus ce mot.

Pauvre chou…

Rappelons donc la définition de ce terme, selon Le Robert :

systémique (adjectif et nom féminin): relatif à un système dans son ensemble.

Un problème est donc systémique lorsqu’il va au-delà des situations individuelles et isolées.

Or, nous sommes toustes des éléments de plusieurs systèmes : familiaux, professionnels, religieux, culturels…Nous ne sommes pas des électrons libres. Nous évoluons au quotidien en relation avec d’autres éléments de ces systèmes, et nos interactions sont teintées de ce qui se joue en leur sein.

Le système que constitue notre société est soumis à de nombreux biais, et notamment de nombreux biais oppressifs.

Non, nous ne vivons pas la même réalité quotidienne en fonction de notre identité de genre, de notre couleur de peau, de notre orientation sexuelle, du fait qu’on soit valide ou non, de notre apparence physique, etc.

Non, nous ne sommes pas traité·es de la même manière.

Oui, quand on a suffisamment de privilèges, il peut être plus confortable de faire comme si tout cela n’existait pas.

Je suis une femme blanche, cisgenre (mon identité de genre correspond à celui qui m’a été attribué à la naissance), hétérosexuelle. Je suis issue d’un milieu plutôt défavorisé socialement mais j’ai pu faire des études supérieures (merci l’assistanat boursier), je ne souffre pas de difficultés particulières pour m’exprimer, ni oralement ni par écrit.

Je souffre de douleurs chroniques parfois invalidantes mais cela représente malgré tout un handicap modéré (pour lequel j’ai une RQTH) dans la mesure où l’accès aux espaces publics m’est par exemple tout à fait aisé et où je ne dois pas tout anticiper en fonction de cela.

Je suis en paix avec mon poids et il reste suffisamment dans la « norme » pour qu’on ne vienne pas m’enquiquiner avec ça chaque fois que j’ai un rhume.

Je ne suis plus jeune mais pas encore assez vieille pour que l’âgisme se fasse sentir (même si je me suis faite appeler « mamie » ce weekend, sous le même post sur la dette sexuelle, par une jeune femme qui estimait que subir des violences sexuelles au sein d’une relation c’était pour celles et ceux qui le voulaient bien), je suis en bonne santé physique (douleurs chroniques mises à part) et mentale…

Bref, des privilèges j’en cumule un paquet.

Pourtant, j’essaye de ne pas nier l’existence de très nombreuses formes d’oppression subies par un nombre important de personnes que j’accompagne.

Par quoi ça passe ?

Par l’éducation. Et, entendons-nous bien, cette éducation ne doit pas se faire au détriment des personnes que j’accompagne. Je n’attends pas de ces personnes qu’iels m’éduquent, qu’iels m’expliquent ce qu’iels vivent au quotidien.

Si je pose des questions, c’est pour mieux cerner leurs ressentis propres, les mots posés par elleux sur ces situations, et pouvoir ainsi les rejoindre et les accompagner, pas pour m’éduquer.

Ça, c’est ma responsabilité, pas la leur.

Iels ont déjà répondu des centaines, des milliers de fois peut-être à cette question qui serait anodine pour moi.

Ce boulot de déconstruction et d’éducation, c’est à moi d’en prendre la responsabilité et la charge, en aucun cas à vous qui arrivez dans mon cabinet.

Vous payez pour un accompagnement qui vous permet d’avancer. Cet espace temps est le vôtre, pas le mien. Je prends le temps de mes propres espaces : thérapeutiques, de supervision, de co-vision, de formation.

Une fois ceci posé, il ne m’appartient pas de définir pour vous si je suis ou non la personne par laquelle vous souhaitez être accompagné·es. Ni de définir ce qu’il est confortable pour vous d’expliquer, de verbaliser, ou non. Selon votre sensibilité, vos objectifs, vos besoins, c’est à vous de choisir qui vous souhaitez à vos côtés sur votre chemin, et nous co-construisons ensemble ce chemin.

Il m’appartient toutefois de poser clairement que j’ai internalisé un certain nombre, et un nombre certain, de biais de pouvoir, et que j’ai encore bien du chemin à faire pour les déconstruire. J’y travaille néanmoins chaque jour, et je remercie toustes celleux qui m’inspirent et m’éclairent sur ce chemin.

Parmi ces personnes, il y a des ami·es, des collègues, des proches, des adelphes militant·es, en particulier au sein de la Ligue Contre le Viol Conjugal, des groupes de discussion et de réflexion, des auteurices, des podcasts, etc.

Et puis il y aussi toustes celleux qui me font bondir, grincer des dents, qui balayent d’un revers de main dédaigneux toute mention de systèmes oppressifs, qui sont capables de répondre sans ciller, au cours d’un échange sur l’inclusivité en hypnose : « Pourquoi j’irais remettre en cause mes privilèges ? », me donnant encore plus envie de prêter attention aux miens.

Toustes celleux qui tiennent des discours pseudos bienveillants du style : « Moi je ne fais aucune différence, j’accueille et j’accompagne tout le monde pareil. » Merci pour l’instant déni…

Toustes celleux qui créent des fossés entre les luttes en cherchant à invisibiliser certaines oppressions, et qui me donnent encore plus envie de contribuer à bâtir des ponts intersectionnels.

Il y a surtout toustes celleux qui m’accordent leur confiance, et pour qui j’ai à cœur de créer un espace d’accueil le plus sécurisé et sécurisant possible, en continuant de travailler sur moi, chaque jour.

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