« Connais-toi toi-même, et tu connaîtras l’Univers et les Dieux », disait Socrate.
« Gnothi seauton ». Cette locution, gravée à l’entrée du temple d’Apollon à Delphes, peut-être interprétée de bien des manières.
Se connaître pour trouver sa place dans le monde, c’est comme ça que cette citation me parle.
J’ai longtemps cherché comment m’adapter au monde. Je me suis longtemps sentie en inadéquation avec les attentes de mes pairs et, pour être acceptée, j’ai longtemps opté pour une forme de sur-adaptation constante et épuisante.
J’avais beau sentir l’étroitesse des cases dans lesquelles on cherchait à me faire entrer, j’avais beau m’y sentir prisonnière, je les cherchais quand-même inconsciemment, tout en les rejetant consciemment. Je jouais de mes différences, en espérant qu’on finisse par m’aimer sans que j’ai besoin de le faire.
Le besoin d’appartenance, le besoin de me sentit appartenir à une norme, fusse t-elle à la marge, m’a longtemps poussée à chercher les « raisons » de mes « différences ».
Me savoir HPI assez jeune a été à la fois une chance et une case de plus.
Une chance parce ça m’a permis de voir mes spécificités pas seulement comme des excentricités, et de mieux comprendre que mon mode de fonctionnement était différent de celui de certain·es de mes camarades, sans que l’un soit meilleur que l’autre.
Dans le même temps, ça n’a pas changé grand-chose à ce que le monde me renvoyait de moi. Et finalement, c’était ça le plus douloureux. Et en plus, avec un HPI hétérogène, même un diagnostic établi ne cochait pas toutes les cases.
Peut jamais rien faire comme tout l’monde celle là j’vous jure !
Aujourd’hui encore, un regard suffit à me ramener à la petite fille insupportable que je me sentais être. Celle à qui on lançait des regards noirs aux repas de famille parce qu’elle avait toujours son mot à dire.
« Reste à ta place »
« Ne te mêle pas des conversations des adultes »
« Tu fatigues avec tes questions »
« Mais d’où tu sors des truc pareils ? Va jouer avec les gamins de ton âge!»
Celle qui ne trouvait jamais sa place auprès de ses camarades de classe.
L’intello, la binoclarde, madame je-sais-tout, la chouchoute du maître.
Celle qui passait des heures le nez plongé dans les livres, puis des heures à se poser mille et une questions existentielles avant de s’endormir. Celle qui rêvait d’être « normale » sans bien savoir ce que ça voulait dire. Seulement que ça n’était pas comme elle.
Ce besoin de se sentir « comme » et pas « autre », je l’ai également observé maintes fois dans l’attitude de mes élèves lorsque j’étais enseignante. Cette tendance à se travestir pour se fondre dans le moule est encore plus affirmé dans un contexte qui formate plus qu’il ne forme, qui uniformise plus qu’il ne met en lumière les individualités.
Il est parfois libérateur pour les enfants et leur famille qu’un diagnostic soit posé, qu’il permette d’apporter une grille de lecture un tant soit peu bienveillante pour mieux comprendre les particularités de l’enfant, qu’il permette de lever le poids du jugement qui pèse sur lui et sur ses parents.
Avec un petit bémol tout de même, parce que j’imagine d’ici le sourcil en accent circonflexe de parents d’enfants neurodivergents ou présentant des troubles des apprentissages.
Je parle du jugement qu’enfants et parents portent sur eux-mêmes.
Je ne vais pas mentir, je connais les discours tenus par une partie du corps enseignant. Je connais celleux qui pinaillent à respecter les aménagements pédagogiques. Celleux qui disent que c’est un effet de mode, que c’est l’excuse à tout, piapiapia piapiapia.
Il y a des cons partout, et ça, c’est au moins une case qu’on coche toustes au yeux de quelqu’un.
Mais comprendre comment on fonctionne, peu importe qu’on coche toutes les cases ou pas, qu’on soit diagnostiqué HPI, TDA-H, présentant un /des TSA, présentant des troubles DYS, ou pas, ça, c’est une sacrée boussole!
C’est la boussole qui permet de naviguer sa planète, tout en tenant compte du fait que l’univers est plein de planètes différentes. C’est sympa de se croiser, de tous évoluer dans un ballet perpétuel, sans entrer en collision ni se marcher sur les orteils.
Ça donne un cap, celui du respect de son fonctionnement, de ses besoins, de ses envies, de ses forces et de ses limites. Ça permet de retrouver son chemin après avoir visité d’autres planètes.
De pouvoir, comme le Petit Prince, dire dans un joli éclat de rire : « Alors, toi aussi tu viens du ciel ! De quelle planète es-tu ? »
Et de visiter celle des autres. Et peut-être même de les inviter à découvrir la votre.
C’est encore parfois ce que j’ai du mal à faire. J’aime aujourd’hui découvrir d’autres planètes. Je suis toujours émerveillée de ce que j’y découvre, qui parfois ressemble à la mienne, et parfois n’y existe pas du tout.
Mais laisser visiter la mienne…pas si simple. Pourtant, de temps à autre, je croise un renard. Ou un pilote en panne en plein désert.
On s’apprivoise. Parfois nos routes se séparent, pour quelques instants ou pour toujours, et alors je me souviens immanquablement des mots du Petit Prince :
« Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque j’habiterai dans l’unes d’elles, puisque je rirai dans l’une d’elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire. »
Merci à toustes celleux qui me permettent de regarder le ciel en souriant. Où que vous soyez, où que je sois, je vous entends rire, et c’est doux à mes oreilles.